Rappel : Correction et validation du badge-compétence
La grille remplie par l'élèves sur sa feuille de route ne comporte pas toujours de bonnes ou de mauvaises réponses. Les réponses inscrites dans la grille doivent permettre à l'élève de les analyser pendant la correction et les explications fournies par l'enseignant ou l'animateur. Ce n'est qu'une fois que l'élève a suivi ces explications qu'il peut obtenir son badge-compétence "Esprit critique". La validation du badge par l'enseignant suppose donc d'avoir suivi les explications.
Cette activité aborde l’information et la désinformation à partir de l’usager cette fois et tente de répondre à la question : pourquoi certaines informations nous attirent plus que d'autres ?
C’est sous l’angle des biais cognitifs qu’il faut comprendre pourquoi certains contenus sont plus viraux que d’autre, et comment les producteurs de désinformations exploitent ces leviers psychologiques et cognitifs pour diffuser leur contenu.
Les biais cognitifs sont des schémas de pensée automatiques et irrationnels qui peuvent influencer notre perception, notre mémoire, et notre prise de décision. Ils résultent de la manière dont notre cerveau traite l'information et affectent notre jugement. Les biais cognitifs sont souvent liés à l'utilisation d'heuristiques, des raccourcis mentaux qui permettent de prendre des décisions rapidement sans avoir à analyser toutes les informations disponibles.
Système 1, système 2
Daniel Kahneman, psychologue et lauréat du prix Nobel d'économie, a popularisé la théorie des deux systèmes de pensée dans son livre Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée.
Système 1 – Pensée rapide et intuitive
Caractéristiques : automatique, rapide, émotionnelle, et inconsciente.
Fonctionnement : le système 1 est responsable des réactions instinctives et des jugements intuitifs. Il utilise des heuristiques pour prendre des décisions rapides basées sur des expériences passées et des associations.
Exemples : réagir à un bruit soudain, reconnaître un visage familier, ou résoudre des problèmes simples comme 2 + 2.
Système 2 – Pensée lente et réfléchie
Caractéristiques : contrôlée, lente, logique, et consciente.
Fonctionnement : le système 2 est activé lorsque des tâches complexes nécessitent une attention soutenue et une réflexion approfondie. Il est capable de résoudre des problèmes difficiles, de planifier, et de prendre des décisions rationnelles.
Exemples : résoudre un problème mathématique complexe, planifier un projet, ou prendre une décision importante après une analyse détaillée.
Le système 2, bien que plus rationnel, n'est pas forcément le plus pertinent dans tous les types de situations. Les deux systèmes répondent à des besoins différents et ont autant leur utilité l'un que l'autre. Le système 1 est celui que nous utilisons le plus souvent. Il joue un rôle crucial dans notre vie quotidienne grâce à ses caractéristiques de rapidité, d'automaticité et d'efficacité cognitive.
Réactions rapides et instinctives
Survie et sécurité : le système 1 permet des réactions immédiates face à des menaces ou des situations d'urgence. Par exemple, éviter un obstacle sur la route ou réagir à un bruit soudain.
Interactions sociales : il facilite les interactions sociales en permettant des réponses rapides et appropriées, comme reconnaître une émotion sur le visage de quelqu'un ou réagir à un commentaire.
Économie cognitive
Efficacité énergétique : le système 1 consomme moins d'énergie mentale que le Système 2, ce qui permet de conserver des ressources cognitives pour des tâches plus complexes.
Multitâche : il permet de gérer plusieurs tâches simultanément sans effort conscient, comme conduire une voiture tout en écoutant la radio.
Jugement
Prise de décision rapide : le système 1 utilise des heuristiques pour prendre des décisions rapides basées sur des expériences passées et des associations, ce qui est particulièrement utile dans des situations familières ou répétitives.
Estimation : il aide à faire des estimations rapides et à juger des situations sans avoir à analyser toutes les informations disponibles.
Le système 1 est donc essentiel pour naviguer efficacement dans notre environnement. Il permet des réactions rapides, économise des ressources cognitives, et facilite des processus intuitifs et créatifs.
Cependant, bien que très utile pour des réactions rapides et intuitives, il présente plusieurs limites importantes. Il peut générer des erreurs systématiques en se basant sur des heuristiques simplistes ou des associations incorrectes, surtout dans des situations complexes ou nouvelles. Il ne prend pas en compte toutes les informations disponibles et ne vérifie pas la logique de ses jugements, ce qui peut entraîner des conclusions hâtives et superficielles. Les réactions du système 1 sont fortement influencées par les émotions, ce qui peut biaiser les décisions, surtout dans des situations stressantes ou émotionnellement chargées. Il s'appuie sur un processus de généralisation rapide et peut donc conduire à la production de stéréotypes. Autrement dit il est important d'être vigilent face aux automatismes du système 1 et savoir à quel moment activer le contrôle et la régulation par le système 2.
Question 1 – Le biais de réceptivité⚓
Le biais de réceptivité ou de "baratin"
Si c’est compliqué c’est que ça doit être vrai !
Plus une explication est technique et pointue plus nous pensons qu’elle est réelle. Une explication complexe, même si elle nous échappe, à l’air plus vraisemblable qu’une explication simple. L’auteur nous apparait comme spécialiste de son domaine et semble savoir de quoi il parle, sinon il n’aurait pas pris la peine de déployer autant de détails ou d’argumentation pour exposer son propos.
La bonne définition du terme mésophylle est la B, la plus simple.
Les fausses informations utilisent parfois ce biais pour faire croire qu'elles sont fondées sur une base scientifique : pseudo-sciences, produits miracles, arnaques technologiques ou financières.
Exemple : Pseudo-sciences
Boire de l'eau cristallisée améliore la santé en équilibrant les énergies vibratoires du corps.
« Les cristaux émettent des fréquences énergétiques spécifiques qui résonnent avec l'eau, modifiant sa structure moléculaire pour former des clusters hexagonaux. Cette eau "restructurée" aligne vos chakras, harmonise les vibrations de votre corps et améliore le flux énergétique, vous protégeant des toxines et renforçant votre système immunitaire. Des études montrent que cette eau favorise un bien-être général, équilibre les fréquences électromagnétiques et peut même ralentir le vieillissement cellulaire. »
Analyse
Plausibilité apparente : le discours utilise des concepts scientifiques réels (structure moléculaire, fréquences, immunité) mêlés à des termes spirituels comme les chakras et les vibrations énergétiques.
Biais de réceptivité : les lecteurs, surtout ceux déjà prédisposés à croire aux bienfaits des cristaux ou des pratiques spirituelles, pourraient accepter cette explication, car elle semble cohérente, même si aucune base scientifique solide ne la soutient.
Question 2 et 3 – L'effet de halo⚓
L'effet de halo
L’habit ne fait pas le moine. Nous accordons plus ou moins de crédibilité à un propos en fonction de l’image que renvoie une personne. L’effet de halo s’appuie sur nos représentations sociales, sur des stéréotypes. C’est ce qu’on appelle l’effet blouse blanche, utilisé par les publicitaires : venter les bienfaits d’une brosse à dents par une personne en blouse blanche qui porte des lunettes.
Ou encore, associer l'image d'un produit à celle d'une personnalité appréciée du grand public le rend attirant. Grâce à ce biais cognitif, la notoriété de la personne est associée au produit. Il est donc important de prendre de la distance avec nos représentations et préjugés, car un contenu bien présenté ou associé à une personne populaire est plus susceptible de devenir viral.


Analyse de la question 2
En choisissant la réponse A ou G, ou bien en éliminant d'emblée la réponse D, il est possible que l’effet de halo ait joué un rôle dans ces choix. Seule la réponse I (abandon) était neutre.
Question 3
Certaines personnes seront plus attirées par le dentifrice C car il est présenté une femme en blouse blanche avec des lunettes, comme gage du sérieux de la marque. Un homme blanc en blouse blanche avec des lunettes aurait peut-être apporté encore plus de crédibilité, mais moins de dynamisme.
Complément : L'impact de l'effet de halo sur les élections
Clément Viktorovitch, dans son livre Le pouvoir rhétorique, relate une étude menée en 2005 par le psychologue Alexander Todorov.
Dans cette expérience, les chercheurs ont présenté des photos de candidats politiques à des participants qui ne les connaissaient pas et leur ont demandé de juger leur compétence en se basant uniquement sur leur apparence. Les résultats ont montré que les jugements de compétence basés sur l'apparence étaient fortement corrélés avec les résultats réels des élections. En d'autres termes, les candidats jugés plus compétents sur la base de leur apparence avaient tendance à gagner plus souvent les élections.
Il en ressort qu'un visage carré, des pommettes hautes, des sourcils bas et une mâchoire saillante sont de redoutables atouts politiques
Cette étude a mis en lumière l'influence significative des premières impressions visuelles sur les décisions électorales, soulignant l'importance de l'effet de halo dans les contextes politiques et sociaux.
Comme le souligne Clément Viktorovitch, non seulement nous avons tendance à voter à la tête des candidats plutôt que sur la base de leur programme, mais, en plus, nous le faisons sans même nous en rendre compte.
Question 4 – Le biais d'autorité⚓
Le biais d'autorité
Accorder plus d’importance à la personne qui émet l’argument qu’a l’argument lui-même.
Le biais de l'autorité survient lorsque nous accordons plus de poids ou de crédibilité à des idées, des pensées et des décisions prises par les figures d'autorité ou experts dans un sujet (scientifique, expert, médecin, leader politique, etc.).
C’est un réflexe utile la plupart du temps car nous ne pouvons pas être spécialiste de tous les sujets et nous accordons notre confiance à des personnes qui semblent compétentes.
Cela dit, il est nécessaire de s’assurer que la personne qui émet un propos, un avis, ait bien une compétence avérée et reconnue sur le sujet.
Analyse de la question 4

"Le jeûne intermittent stimule l’autophagie, un processus naturel où les cellules du corps se débarrassent des composants endommagés et recyclent les nutriments. De nombreuses études menées par des institutions médicales prestigieuses soutiennent cette hypothèse. En tant que spécialiste du métabolisme, je recommande cette pratique à mes patients souffrant de désordres métaboliques."
Elle est chercheuse dans ce domaine à l’institut Pasteur, donc la mieux placée pour en parler.

"Le jeûne intermittent est une méthode très efficace pour améliorer la santé cardiaque. Des études récentes montrent que sa pratique régulière réduit considérablement le taux de cholestérol et diminue le risque de maladies cardiovasculaires. Je recommande fortement cette approche à mes patients pour garder un cœur en bonne santé."
Dans ce cas précis, le Dr Dubois est pertinent et fait autorité car il ne se prononce pas sur la partie nutrition, qui n’est pas sa spécialité, mais sur les conséquences cardiaque et vasculaire du jeûne, qui est son domaine de compétence.
Attention : Points de vigilance

Même un spécialiste peut se tromper ou tenir des propos douteux. C’était le cas du professeur Raoult, spécialiste reconnu lors de la crise du COVID. Il est important de consulter l’avis d’autres spécialistes d’un même domaine pour vérifier si une proposition fait consensus ou si elle est sujette à controverses. Les vérités scientifiques n'émanent jamais d'une personne isolée, aussi compétence soit-elle. Elles sont soumises et évaluées par la communauté des chercheurs qui s'accordent sur un consensus provisoire en l'état des recherches à un moment donné.

Les influenceurs qui bénéficient d'une certaine notoriété sur les réseaux sociaux ne possèdent pas nécessairement les compétences suffisantes pour traiter certains sujets.
Complément : L'échelle des niveaux de preuve
Question 5 – Le biais de simple exposition⚓
Le biais de simple exposition
Biais cognitif qui décrit la tendance des individus à développer une préférence pour quelque chose simplement parce qu'ils y sont fréquemment exposés. En d'autres termes, plus nous voyons ou entendons quelque chose, plus nous sommes susceptibles de l'apprécier ou de le trouver familier. Cela engendre des attitudes positives plus ou moins conscientes à l'égard du produit ou de l'idée, même si nous n'avons pas d'avis initial ou de préférence marquée.
Réponse à la question 5
L'idée selon laquelle nous n'utiliserions que 10% de notre cerveau est fausse, c'est un neuro-mythe. Nous exploitons notre cerveau à 100%.
Conséquences du biais d'exposition
Manipulation des préférences : le biais d'exposition influence les goûts des individus, utilisé en marketing et politique. Les groupes peuvent manipuler l'opinion en exposant leurs produits ou idées.
Répétition des fake news : les fausses informations deviennent plus crédibles par répétition dans les médias. Le biais d'exposition contribue à leur propagation, mais viral ne signifie pas vrai.
Création de stéréotypes ou idées reçues : l'exposition répétée à des idées spécifiques renforce certains stéréotypes.
Propagande et politique : dans un contexte politique, des discours, slogans ou idées peuvent devenir plus acceptables, simplement parce qu'ils sont souvent répétés dans les médias, lors de campagnes électorales ou sur les réseaux sociaux.
Question 6 – Le biais d'affinité⚓
Le biais d'affinité
C'est le fait d'accorder plus de crédit à une information qui provient de notre entourage ou de personnes que l'on apprécie. À l'inverse nous aurons plus de mal à soutenir une idée défendue par une personne que nous n’apprécions pas.
En votant pour Paul (A) le meilleur ami, ou en rejetant Ines (B) qui nous est antipathique, il est possible que le biais d’affinité ait exercé une influence.
Mécanisme : puisque nous apprécions cette personne, nous lui faisons confiance. À l'inverse, nous serons méfiant ou imperméables aux propos d'une personne que nous rejetons. Ce n'est pas parce que nous apprécions ou détestons une personne qu'elle a nécessairement raison ou tort.
Mon meilleur ami partage beaucoup de goûts et d'idées avec moi, mais il a aussi des croyances irrationnelles auxquelles je ne suis pas obligé d'adhérer. Cela ne m'empêche pas de l'apprécier. À l'inverse, une loi physique peut être énoncée par n'importe qui, même un trafiquant de drogue ou un nazi, ce qui ne la rend pas fausse pour autant.
Se méfier de l’influence des liens d'affinité qui n'ont rien à voir avec la rationalité, la cohérence ou le bien fondé d'un propos. Quelqu’un avec qui je ne partage pas les mêmes idées peut en avoir de très bonnes, et inversement mes amis peuvent parfois tenir des propos stupides.
Question 7 – Le biais de confirmation⚓
Le biais de confirmation
2, 4, 8, 16, ... Il est tentant d'inscrire 32 (réponse B), car nous pensons tous spontanément qu'il s'agit du double du nombre précédent. Or c'est pourtant la seule réponse à ne pas choisir puisqu'en voulant confirmer notre hypothèse nous n'apprenons rien de nouveau, et nous ne pouvons pas éliminer d'autres hypothèses. Si nous avions choisi 19 et qu'il ait été validé, cela nous aurait peut-être permis de comprendre qu'il s'agissait simplement d'un nombre supérieur au précédent. 18 : un nombrer supérieur mais pair, ou 6 un nombre pair, quel qu’il soit.
Le biais de confirmation est la tendance que nous avons à ne sélectionner que les informations qui confirment nos croyances au détriment des autres. Lorsqu’une information confirme nos croyances ou nous fait plaisir, nous serons moins enclins à la vérifier. Nous aurons tendance à minimiser, rejeter ou ignorer les informations contraires. Il est donc nécessaire de chercher des informations contradictoires susceptibles d'infirmer nos croyances, afin d'évaluer leur poids et, si nécessaire, nous remettre en question avant de partager.
Le biais de confirmation peut se manifester dans différents domaines. Lorsqu'une personne cherche des informations sur un sujet controversé, elle peut inconsciemment privilégier les sources qui soutiennent son point de vue initial. Dans une expérience scientifique, un chercheur peut interpréter les résultats de manière à confirmer son hypothèse initiale, en ne sélectionnant que certaines données et en ignorant, même involontairement, d'autres plus ambiguës. Une personne peut se souvenir plus facilement des exemples qui confirment ses croyances et oublier ceux qui les contredisent.
Bulles de filtrage
Un phénomène qui renforce le bais de confirmation est ce qu'on appelle l'effet bulle de filtre. Les algorithmes des plateformes en ligne (comme les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, les sites d'actualités) personnalisent le contenu affiché en fonction des préférences et des comportements passés de l'utilisateur. Cela crée une "bulle" d'informations qui reflète et renforce les intérêts et les opinions de l'utilisateur, limitant ainsi l'exposition à des points de vue divergents.
Sur Facebook ou Instagram : si un utilisateur interagit principalement avec des contenus liés à un certain courant politique, ou une certaine idéologie, l’algorithme va privilégier des publications et des informations similaires, filtrant ainsi les informations qui ne sont pas conformes à ses croyances. Un moteur de recherche, Google par exemple, peut personnaliser les résultats en fonction de l'historique de navigation et des préférences de l'utilisateur.
Chambre d'échos
Conséquence directe du biais de confirmation et de l'effet bulle de filtre, la chambre d'échos est un phénomène où les informations, les idées ou les croyances sont amplifiées et répétées à l'intérieur d'un groupe fermé, souvent en ligne, sans être contestées ou débattues. Cela crée un environnement où les mêmes opinions sont constamment répétées et renforcées, limitant l'exposition à des points de vue divergents.
Si nous n'échangeons qu'avec des personnes qui ne pensent que comme nous, il devient difficile de s'ouvrir à d'autres idées, d'évoluer et de remettre en question ses croyances ou préjugés.
Les forums, les groupes Facebook, ou les communautés Reddit peuvent devenir des chambres d'échos où les membres partagent et renforcent les mêmes opinions.
Plus je fréquente des milieux qui pensent comme moi moins je serai ouvert à l'échange et à l'autre en général. L'autre sera perçu comme un ennemi, une menace. Les chaînes d'information ou les sites web qui ont une orientation politique claire peuvent créer une chambre d'échos en ne présentant que des informations qui soutiennent leur point de vue.
Conséquences
Renforcement des croyances : comme les bulles de filtres, les chambres d'échos peuvent renforcer les croyances existantes en limitant l'exposition à des informations contradictoires.
Polarisation sociale : elles peuvent contribuer à la polarisation sociale en créant des groupes d'individus qui ne sont exposés qu'à des informations alignées avec leurs opinions. Plusieurs visions du monde cohabitent sans jamais se rencontrer, ou bien de manière violente.
Radicalisation : elles peuvent contribuer à la radicalisation des opinions en amplifiant les idées extrêmes et en limitant le débat critique. L'autre, celui qui pense différemment est alors perçu comme un ennemi, une menace. Cela se traduit par une intolérance aigue envers tout ce qui contredit le dogme ou l'idéologie défendue. Il peut s'agir de personnes, d'idées divergentes, mais aussi de faits contradictoires qui sont alors réinterprétés pour correspondre à l'idéologie et éviter tout phénomène de dissonance cognitive, c'est à dire d'inconfort psychologique ressenti lorsque les croyances, attitudes ou comportements d'une personne entrent en conflit les uns avec les autres.
Isolement intellectuel : les individus peuvent s'isoler intellectuellement. En ne consultant que des informations qui confirment leurs croyances, ils ne développent pas de compétences critiques pour évaluer des points de vue divergents.
En résumé, le biais de confirmation, les bulles de filtres et les chambres d'échos sont des phénomènes interconnectés qui limitent l'exposition à des informations diverses et renforcent les croyances existantes, souvent au détriment d'une compréhension équilibrée et critique du monde.
Complément : La démarche scientifique
Le biais de confirmation entrave la dynamique scientifique, car la science avance davantage en tentant de réfuter les théories plutôt qu'en cherchant à les confirmer. Lorsqu'un scientifique propose une théorie, celle-ci est généralement publiée dans une revue scientifique avec toutes les preuves et expériences nécessaires à sa reproductibilité, permettant à d'autres chercheurs de la tester, de la mettre à l'épreuve, de tenter de la réfuter pour évaluer sa solidité.

"Nous choisissons la théorie qui se défend le mieux dans la compétition avec d’autres théories, celle qui, par la sélection naturelle, prouve qu’elle est le plus apte à survivre » à l’épreuve de l’expérience."
Karl Popper, La logique de la découverte scientifique.
Question 8 – Conformisme⚓
Conformisme
Tout le monde vante les mérites de l'Ail phone (A), les commentaires en ligne sont unanimes, il fait partie des meilleures ventes et pourtant le Sonor (B) n'a pas de mauvaises critiques et ses caractéristiques techniques sont légèrement supérieures pour un prix imbattable. Avez-vous cédé à la pression sociale ?
Le biais de conformité (ou effet de conformisme) est un biais cognitif qui décrit la tendance des individus à aligner leurs opinions, comportements ou croyances sur celles du groupe auquel ils appartiennent ou qu'ils observent, même si ces opinions sont en contradiction avec leurs propres jugements ou connaissances. Les contenus qui témoignent d'une grande popularité (beaucoup de likes, partages, commentaires) ont plus de chances de devenir viraux.
Complément : L’expérience de Asch (1951)
Dans cette célèbre expérience, des participants devaient comparer la longueur de lignes sur des cartes. Lorsque tous les acteurs complices de l'expérience donnaient la mauvaise réponse, les participants avaient tendance à se conformer à la réponse du groupe, même s’ils savaient qu’elle était fausse.
De quel trait A, B, ou C le trait de gauche est-il semblable ? Tous les complices répondent à haute voix chacun leur tour C. lorsque c’est au tour du candidat cobaye de s’exprimer, beaucoup auront tendance à dire C par conformisme.
Impossible d'accéder à la ressource audio ou vidéo à l'adresse :
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Conséquence du biais de conformité
Pression sociale : l'individu est influencé par la majorité ou par un groupe de référence. Cette pression peut être subtile (peur d’être exclu ou ridiculisé) ou directe (pressions verbales ou comportementales).
Recherche de validation : les gens cherchent souvent à être acceptés par leurs pairs, ce qui les incite à adopter des comportements ou des croyances similaires, même s’ils ne sont pas totalement d’accord.
Dissonance cognitive : lorsqu'une personne ressent un désaccord intérieur entre sa propre opinion et celle du groupe, elle peut choisir de changer son point de vue pour éviter l'inconfort de la dissonance.
Dans certains groupes en ligne ou communautés, partager des informations sensationnelles ou controversées est perçu comme une manière de participer activement et de montrer son engagement. Cela peut encourager la diffusion de fake news qui correspond à ces normes.
Exemple :
Une fake news sur des faits sensationnels ou alarmistes qui devient virale sur une plateforme de médias sociaux peut amener d'autres utilisateurs à la partager par peur de manquer quelque chose d’important, de paraître non informés ou de ne pas être en phase avec l'opinion de leur groupe.
Question 9 – Le biais d'ancrage⚓
Biais d'ancrage
Malgré le démenti scientifique à cette polémique, preuves à l'appui, qui devrait lever toute appréhension à la vaccination (réponse A), le doute et l'inquiétude persiste parfois longtemps dans les mentalités.
Le bais d'ancrage désigne la tendance des individus à s'appuyer de manière excessive sur la première information qu'ils reçoivent ("l'ancre") lorsqu'ils prennent des décisions ou évaluent une situation. Cette première information sert de point de référence, et influence les jugements futurs, même si elle est incorrecte ou peu pertinente.
Le biais d'ancrage joue un rôle important dans la diffusion et la persistance des fake news qui ont le temps de se diffuser massivement avant d'être démenties. Le biais d’ancrage explique pourquoi les corrections de fake news sont souvent inefficaces. Une fois qu’une fausse information est ancrée dans l’esprit des gens, même une rectification ne parvient pas à effacer complètement l’influence de l’ancre initiale.
Exemple :
Une fake news sur des fraudes électorales massives lors d’une élection peut créer une ancre dans l’esprit de certains électeurs. Même après des enquêtes officielles prouvant que ces allégations sont fausses, ces personnes peuvent rester influencées par la première information.
Une erreur journalistique, même rectifiée, est néfaste pour la victime à cause du biais d’ancrage. Ainsi, même si une correction est publiée, l'impression initiale erronée reste souvent ancrée dans l'esprit des lecteurs, continuant à affecter leur opinion et leur mémoire. La rectification peut ne pas atteindre autant de personnes que l'information initiale, et même ceux qui la lisent peuvent ne pas accorder autant de crédit à la correction qu'à l'information originale, perpétuant ainsi les effets négatifs de l'erreur initiale.
Exemple : Promotion pendant les soldes
Un produit initialement affiché à 100 euros, soldé à 50 euros, semble être une bonne affaire, même si ce prix reste supérieur à sa valeur réelle. Ce phénomène repose sur le biais d'ancrage : nous nous basons sur la première information (le prix de 100 euros) pour évaluer la valeur de l'article. Les commerçants manipulent cet effet en affichant des prix barrés ou en comparant des réductions spectaculaires pour influencer notre perception de la "bonne affaire".
Questions 10 et 11 – Le besoin de sens⚓
Besoin de sens
Devant des faits troublants, surprenants, mystérieux ou aléatoires, notre cerveau éprouve le besoin de combler le vide épistémique et stabiliser ainsi l'ambiguïté du réel. Lorsqu’un événement complexe ou anxiogène se produit (comme une crise sanitaire, un attentat, une catastrophe naturelle, etc.), les individus cherchent à comprendre et à donner du sens à la situation. Face à l'incertitude, les individus sont souvent mal à l'aise et cherchent à combler le vide d'information par des récits qui leur donnent un sentiment de contrôle.
Analyse des questions 10 et 11
Question 10
Ce n'est pas parce que deux courbent évoluent dans le même sens (corrélation) qu'il y a nécessairement un lien entre elles (causalité). Notre cerveau cherche à créer une relation causale entre ces deux situation en se "racontant une histoire".
Question 11
L'accumulation de coïncidences liées au hasard ne justifie pas l'hypothèse d'une prédestination. Cette juxtaposition d'indices ne constitue ni une preuve ni une explication.
Les infox, et plus particulièrement les théories du complot, réussissent souvent à fournir une structure narrative simple et cohérente qui donne l’impression que tout a une explication. Ces contenus ont l’avantage de rendre des événements complexes, chaotiques, plus faciles à comprendre en attribuant une intention claire ou une causalité directe à des événements qui, en réalité, sont plus nuancés ou aléatoires.
En répondant à une tendance naturelle qui consiste à chercher des réponses rapides et faciles elles contribuent à réduire l'anxiété face à l'ambiguïté du réel. C'est ce qui rend certaines fausses nouvelles, explications pseudo-scientifiques, croyances ou théories du complot particulièrement attractives.
Exemple :
Pendant la pandémie de COVID-19, des théories du complot ont rapidement circulé, affirmant que le virus avait été créé intentionnellement dans un laboratoire. Cette explication, bien que fausse, a pu donner à certaines personnes un coupable concret et un récit qui semblait plus maîtrisable que l'idée d'une pandémie incontrôlable.
Une théorie qui relie plusieurs événements mondiaux sous une explication conspirationniste sera plus attirante, car elle semble expliquer ces événements d'une manière globale et compréhensible.
Lors d'une catastrophe naturelle, des théories du complot peuvent émerger pour expliquer l'événement par une cause humaine, car cela semble plus "logique" que le hasard ou les processus naturels imprévisibles.
Attribuer des causes simples à des phénomènes économiques complexes, comme croire qu’une seule mesure politique est responsable de tous les problèmes économiques.
Pour contrer le besoin de sens ou le biais de rationalisation, qui peut conduire à des discours simplistes exploités par les démagogues, les complotistes, les pseudoscientifiques ou les sectes, il est crucial de tolérer l'incertitude et de reconnaître que certaines situations ne peuvent pas être expliquées de manière simple. Accepter que la réalité puisse être ambiguë, nuancée et complexe permet d'éviter de sauter aux conclusions hâtives. Il est essentiel d'interroger les évidences et d'approfondir les arguments d'un discours pour en évaluer la pertinence. En explicitant les présupposés et les conséquences de certaines positions, nous pouvons nous demander si nous sommes toujours d'accord avec nos premières conclusions.
Exemple :
Un discours politique, par exemple, qui prône des mesures radicales pour lutter contre la criminalité, en affirmant que la seule solution est d'augmenter drastiquement les peines de prison. À première vue, cette proposition peut sembler logique et attrayante, surtout si elle est présentée de manière simpliste et émotionnelle.
Cependant, en explicitant les présupposés et les conséquences de cette position, nous pouvons nous poser plusieurs questions :
Présupposés : cette proposition repose sur l'idée que des peines plus sévères diminueraient efficacement le taux de criminalité. Mais est-ce vraiment le cas ? Des études montrent que la dissuasion par la sévérité des peines n'est pas toujours efficace et peut même avoir des effets pervers, comme la surpopulation carcérale.
Conséquences : quelles seraient les conséquences d'une telle politique ? Augmenter les peines de prison pourrait entraîner une surcharge du système judiciaire et pénitentiaire, des coûts financiers élevés pour l'État, et potentiellement une augmentation des tensions sociales. De plus, cela pourrait détourner les ressources de programmes de réinsertion et de prévention, qui sont souvent plus efficaces à long terme.
En interrogeant ces présupposés et en analysant les conséquences potentielles, nous pouvons nous rendre compte que notre accord initial avec cette proposition pourrait être remis en question et prendre ainsi une décision plus éclairée et nuancée, en tenant compte de la complexité de la situation.
Questions 12 à 16 – Biais émotionnels et sensationnalisme⚓

Les contenus qui suscitent des émotions fortes sont plus susceptibles d’être partagés. Sur les réseaux sociaux, l’exploitation de ces émotions favorise la viralité.
Biais de négativité
Le biais de négativité est une tendance cognitive qui pousse les individus à accorder plus d'importance et de poids aux informations négatives plutôt qu'aux informations positives. Ce phénomène est profondément enraciné dans notre psychologie évolutive, où la détection rapide des menaces et des dangers était cruciale pour la survie. Dans le contexte moderne, ce biais se manifeste par une attention accrue aux nouvelles négatives, aux critiques, et aux événements alarmants.
Les contenus négatifs ou alarmistes génèrent souvent plus d'engagement et de partage en raison de leur capacité à susciter des émotions fortes, telles que la peur, la colère ou l'indignation. Ces émotions intenses incitent les individus à réagir et à partager l'information avec leur réseau, cherchant à alerter les autres ou à exprimer leur propre réaction émotionnelle. Par exemple, une nouvelle sur une catastrophe naturelle ou un scandale politique est plus susceptible d'être largement partagée que des informations positives ou neutres.
Sensationnalisme
Sur les réseaux sociaux, l'exploitation de ces émotions fortes favorise la viralité des contenus. Les algorithmes des plateformes, conçus pour maximiser l'engagement, tendent à promouvoir les publications qui suscitent des réactions émotionnelles intenses, car elles sont plus susceptibles d'être likées, commentées et partagées. Cela crée un cercle vicieux où les contenus négatifs et alarmistes sont amplifiés, renforçant ainsi le biais de négativité parmi les utilisateurs.
En conséquence, les réseaux sociaux peuvent devenir des espaces où les informations négatives dominent, influençant la perception collective et potentiellement exacerbant les sentiments d'anxiété, de méfiance et de polarisation. Comprendre ce mécanisme est crucial pour les utilisateurs, les créateurs de contenu et les plateformes elles-mêmes, afin de promouvoir un environnement en ligne plus équilibré et constructif.
Le sensationnalisme est un moteur puissant dans la diffusion des contenus, en particulier des informations fallacieuses. En exploitant des leviers émotionnels forts, les créateurs de fausses nouvelles parviennent à capter l'attention des utilisateurs, à encourager des partages impulsifs et à amplifier la viralité de ces informations trompeuses. Les titres accrocheurs, les images choquantes et les récits dramatiques suscitent des réactions immédiates et intenses, incitant les gens à partager rapidement sans vérifier la véracité des faits. Ce mécanisme favorise la propagation rapide et massive de désinformation, rendant difficile la distinction entre vérité et fiction dans l'environnement numérique.
Question 12 – La peur⚓
La peur est un puissant biais émotionnel qui peut être exploité pour attirer l'attention sur le web. En tant qu'émotion primaire, la peur capte immédiatement notre attention et déclenche des réactions instinctives de survie. Sur internet, les contenus qui jouent sur la peur, comme les articles alarmistes, les vidéos choquantes ou les titres anxiogènes, sont conçus pour provoquer une réponse émotionnelle intense. Cette réaction pousse les utilisateurs à cliquer, lire et partager rapidement, souvent sans prendre le temps de vérifier la véracité des informations. Les algorithmes des réseaux sociaux et des moteurs de recherche, qui favorisent les contenus générant le plus d'engagement, amplifient encore cette tendance. Ainsi, la peur devient un levier efficace pour augmenter la visibilité et la viralité des contenus, même si cela se fait au détriment de la qualité et de la fiabilité de l'information. Cette dynamique peut contribuer à la propagation de fausses nouvelles et à la création d'un climat d'anxiété et de méfiance en ligne.
Exemple :
Une fausse alerte concernant des vaccins dangereux peut entraîner une diffusion rapide de l’information, car les parents, inquiets pour la santé de leurs enfants, préfèrent prendre des précautions immédiates plutôt que d'attendre des vérifications plus poussées.
Lorsqu'une information est présentée comme urgente, les individus se sentent obligés de réagir immédiatement. Dans ce contexte, ils sont moins enclins à prendre le temps de vérifier les faits, d'analyser ou de réfléchir de manière critique à l’information. Cette précipitation peut conduire à une propagation rapide des fake news, car les gens partagent l'information sans la remettre en question.
Exemple :
Une fake news annonçant un danger imminent, comme une attaque terroriste ou une catastrophe naturelle à venir, incite les gens à la partager rapidement avec leur entourage. L'urgence perçue réduit la probabilité que l'information soit vérifiée avant sa diffusion.
Question 13 – La Colère⚓
Colère, indignation, sentiment d'injustice

La colère ou l'indignation morale est une émotion souvent exploitée pour provoquer une réaction immédiate contre une personne, un groupe ou une institution, perçus comme coupable d'une injustice.
Les infox qui exploitent cette émotion jouent souvent sur le besoin de "réparer" une injustice ou de dénoncer un comportement perçu comme répréhensible. Elles ciblent souvent des groupes ou des gouvernements accusés de discrimination ou d'exploitation de la population. La colère amène à réagir impulsivement pour "punir" ou dénoncer ce que l'on perçoit comme une faute. Cette émotion renforce les divisions sociales, politiques ou idéologiques et incite à la réaction immédiate. Cela favorise la diffusion d'informations non vérifiées que les internautes partagent impulsivement, sans réflexion critique, pour se mobiliser contre "l'injustice".
Analyse de la question 13
La formulation de la Publication C, "Ils nous trahissent encore ! C'est inacceptable !", cherche à faire réagir. Elle possède une charge émotionnelle beaucoup plus forte que les deux autres qui visent davantage à expliquer, font appel à la raison.
Question 14 – L'espoir⚓

Bien que les fausses informations exploitent souvent des émotions négatives comme la peur ou la colère, elles peuvent également jouer sur des émotions positives telles que l'espoir et l'optimisme. En promettant des solutions miraculeuses, des résultats prometteurs ou des gains d'argent rapides, les infox attirent l'attention et encouragent le partage. Par exemple, une publication affirmant qu'un remède naturel peut guérir des maladies graves, comme le cancer, suscite un espoir immense. Les gens partagent ces fausses informations dans un esprit d'entraide et de solidarité, pensant sincèrement que la solution est miraculeuse, même si les preuves scientifiques manquent.
Un exemple concret d'arnaque en ligne exploitant ce biais est celui des "gourous" du marketing. Avec des vidéos, des articles, ils promettent des méthodes infaillibles pour gagner beaucoup d'argent rapidement. Ils utilisent des techniques de marketing en ligne ou des investissements à haut rendement. Ces contenus jouent sur l'espoir et l'optimisme des individus, les incitant à acheter des formations coûteuses ou à investir dans des schémas douteux. Les victimes, attirées par la promesse de succès facile et rapide, partagent ces informations avec leurs proches, contribuant ainsi à la propagation de l'arnaque. En réalité, ces méthodes se révèlent souvent inefficaces ou frauduleuses, laissant les victimes déçues et financièrement affectées.
Question 15 – La tristesse et l'empathie⚓
Les fausses informations peuvent également exploiter la tristesse ou l'empathie pour susciter la compassion. L'exploitation de ces émotions est particulièrement efficace lorsqu'elle cible des drames humanitaires ou personnels. Une publication racontant l'histoire d'un enfant gravement malade, ayant besoin de soins coûteux, peut rapidement attirer l'attention et la sympathie.
Exemple :
Une campagne en ligne peut prétendre collecter des fonds pour un enfant atteint d'une maladie rare, en utilisant des images émouvantes et des récits poignants pour susciter la compassion. Les internautes, émus par la situation, partagent largement la publication et font des dons, croyant sincèrement aider une famille dans le besoin. Cependant, il peut s'avérer que l'histoire soit fabriquée et que les fonds collectés sont détournés par des escrocs. Ces arnaques exploitent la tristesse et l'empathie du public pour diffuser rapidement des informations fausses et récolter de l'argent de manière frauduleuse.
Question 16 – L'insolite et "l'infox-divertissement"⚓
Contrairement aux contenus basés sur des émotions fortes comme la peur ou la colère, les infox qui s'appuient sur l'humour, l'étonnement ou l'aspect divertissant touchent leur public différemment. Ces émotions légères et ludiques favorisent un partage plus rapide et détendu, minimisant la vigilance critique des utilisateurs.
L'humour et le divertissement
Les fausses informations humoristiques détendent l'attention critique des individus. Parce qu'elles sont divertissantes, on a tendance à les partager pour faire rire les autres, sans nécessairement vérifier leur véracité. L'humour les rend plus acceptables socialement. Par exemple, une fausse nouvelle sur une célébrité ou un politicien peut se propager rapidement si elle est formulée sous forme de blague ou de satire. Le côté humoristique rend le partage plus léger et moins chargé émotionnellement, tout en réduisant le sens critique.
L'étonnement et l'insolite
Les hoax (canulars) et les légendes urbaines, souvent conçus comme divertissements, se propagent en ligne parce qu’ils captivent et intriguent. Les internautes les partagent dans un esprit ludique, sans nécessairement croire à leur véracité. Par exemple, des canulars sur des créatures mythiques ou des complots absurdes captent l'imagination du public. Une fausse nouvelle prétendant qu'une créature mystérieuse a été découverte dans une région reculée peut provoquer des réactions de fascination. Même si elle est démentie, l'effet insolite rend l'information virale.
L'effet de surprise
Des publications sur des observations d'extraterrestres, des animaux fantastiques ou des découvertes archéologiques inhabituelles sont souvent partagées massivement pour leur aspect curieux. L’insolite pousse les gens à les partager par curiosité ou amusement. Ces informations, souvent extraordinaires ou improbables, sont consommées avant tout pour leur effet de surprise. Les informations insolites sont perçues comme des anecdotes légères à partager entre amis ou sur les réseaux sociaux, même si les gens ne croient pas nécessairement à leur véracité. L’élément insolite attire par sa capacité à provoquer de l’étonnement et à susciter des conversations.
Conséquences sociales du sensationnalisme basé sur l'insolite, l'humour et le divertissement
Même si ces informations légères peuvent sembler inoffensives ou drôles, elles peuvent entraîner des conséquences à long terme :
Suspension du sens critique : l'humour et l'insolite diminuent la vigilance cognitive des individus. Lorsque quelque chose est perçu comme amusant ou divertissant, les gens sont moins enclins à vérifier sa véracité. Ils préfèrent profiter de l’instant léger plutôt que de questionner l'information.
Partage social et viralité : les contenus humoristiques et divertissants sont souvent partagés en ligne pour renforcer les liens sociaux. Ils provoquent des réactions positives (rire, étonnement, amusement), ce qui incite à les partager avec ses amis ou son réseau. Ce type de contenu est également plus susceptible de devenir viral car il génère des interactions sans lourdeur émotionnelle.
Évasion et distraction : dans un contexte où les utilisateurs cherchent à se divertir ou à s'évader des informations négatives ou stressantes, les fake news humoristiques ou insolites offrent un moyen de relâcher la pression. En temps de crise ou de tensions, ces types de fake news captent l'attention en proposant une alternative divertissante aux nouvelles sérieuses.
Facilité de consommation : les fake news basées sur l'humour ou l'insolite sont souvent courtes, faciles à comprendre et partagent rapidement, ce qui les rend idéales pour les réseaux sociaux où l'attention est limitée.
Normalisation de la désinformation : même si les gens savent que ces informations sont fausses, leur viralité contribue à brouiller la frontière entre faits et fiction, ce qui peut mener à une plus grande tolérance pour la désinformation dans d'autres contextes plus sérieux.
Renforcement des biais cognitifs : en partageant des fake news divertissantes sans les vérifier, les individus s'habituent à réagir de manière impulsive aux informations, renforçant des biais cognitifs tels que le biais de confirmation ou d'ancrage.
Effet cumulatif sur la crédibilité des médias : que des informations fausses mais divertissantes circulent massivement peut contribuer à éroder la confiance dans les sources d'informations fiables. Cela banalise la désinformation et encourage la méfiance générale à l’égard des médias.
L'insolite, le rire et le divertissement sont des leviers non négligeables dans la diffusion des infox, car ils exploitent les émotions légères et diminuent le sens critique des utilisateurs. Les publications qui s'appuient sur ces émotions sont souvent partagées dans un esprit ludique, renforçant leur viralité sans considération pour leur véracité. Cependant, malgré leur aspect amusant, elles peuvent avoir des effets négatifs sur la manière dont les gens perçoivent et interagissent avec l’information en ligne. Elles contribuent à brouiller la frontière entre réalité et fiction, rendant plus difficile la distinction entre informations vérifiées et désinformation.
Conclusion⚓
L'exploitation des biais cognitifs est une stratégie utilisée pour propager des fausses informations en ligne. Cependant, en encourageant une culture de la pensée critique nous pouvons apprendre à identifier ces biais, les déjouer en partie et devenir plus résistants aux pièges qu'ils représentent. En apprenant à reconnaître nos propres biais cognitifs, nous pouvons devenir plus conscients de la manière dont nous traitons l'information.
Par exemple, en prenant conscience du biais de confirmation, nous pouvons nous efforcer de rechercher des sources d'information variées et contradictoires. En comprenant le biais d'ancrage, nous pouvons être plus vigilants face aux premières informations reçues et chercher à les vérifier.
Pour contrer, le biais de réceptivité, d'autorité et l'effet de halo, il est crucial de questionner la valeur des informations reçues, la cohérence et la plausibilité du discours, la logique et le respect des exigences méthodologiques d'une démonstration. Les arguments exposés et les termes employés ont-ils du sens dans ce contexte, à quel champ lexical ou quel domaine de connaissance appartiennent-ils ? Que signifient-ils ? Les retrouve-t-on employés par d'autres sources, ont ils le même sens ?
Pour contrer le conformisme, il est essentiel de promouvoir une pensée libre en créant des espaces de parole, comme le souligne Christophe Marsollier. Ces espaces doivent être sécurisés et bienveillants, avec des règles permettant à chacun de s'exprimer en toute confiance. Il est important d'encourager la controverse et l'argumentation à travers des discussions collectives, mais dans un climat de respect mutuel. Le débat ne doit pas être perçu comme un match avec un gagnant et un perdant, mais plutôt comme un espace où chacun peut soumettre des idées au groupe, même si elles ne sont pas nécessairement les siennes. Ces idées seront évaluées, testées et éprouvées lors d'une réflexion collective. Cela implique d'accepter que les premières idées exprimées soient souvent des opinions chargées de représentations, de stéréotypes ou d'idées reçues. Elles ne reflètent pas toujours ce que la personne pense réellement, mais plutôt ce qu'elle croit savoir. Ces premières opinions sont nécessaires pour faire avancer la réflexion. L'objectif de la discussion est de les faire évoluer collectivement en les éprouvant dans une réflexion commune qui enrichit chacun. Autrement dit pour penser par soi-même on a besoin des idées des autres.
Les émotions telles que la peur, la colère et la tristesse peuvent influencer ou altérer notre jugement et nous pousser à réagir de manière spontanée. Réguler ses émotions et prendre le recul nécessaire pour suspendre son jugement ne se décrète pas ; cela relève d'un apprentissage progressif. Pour ne pas être submergé par ses émotions, il est crucial de pouvoir les identifier, de développer un vocabulaire pour les décrire, de comprendre le lien entre une situation et l'émotion ressentie, et de saisir pourquoi une situation ou un propos nous fait réagir. Il est également intéressant d'interroger les valeurs sous-jacentes que traduisent nos réactions émotionnelles : le besoin de la justice, de vérité, de solidarité, de tolérance, etc.
Prendre conscience des biais cognitifs qui influencent les représentations du monde et les choix effectués, comme cette activité le propose, devrait encourager l'adoption de comportements plus vigilants, renforcer l'esprit critique et la capacité à naviguer dans un environnement informationnel complexe et parfois trompeur